« Scénobar », un minuscule bar-concert dans le quartier bohème de Ménilmontant. Un jeudi soir, début février. L’accueil vivant et chaleureux, assurée par Christelle Meyer. Quelques tables, bancs et chaises. Sur la petite scène un piano, une guitare contre le mur.
Théo Armen apparaît, et son émotion d’entrer en partage avec nous est presque palpable. L’éclairage sobre sur le visage, les cheveux blonds et le bleu du regard, qui nous envoie sa propre lumière. Puis la voix, qu’accompagnent d’abord juste les mouvements des mains et du corps, a capella : La nuit les chats sont gris / les hommes songeurs / quand dans leur coeur tombe la pluie […] et les souris iront dormir au paradis / la nuit me dit maudit celui qui vit la nuit…
Ainsi Théo nous fait entrer doucement dans ses nuits, puis ses jours, et encore ses nuits. Chanteur, compositeur et poète, il nous invite à la rencontre des rêves, révoltes, envoûtements ou inquiétudes, qui – si semblables aux nôtres, et comme dans cette première chanson – prennent parfois racine dans l’enfance. L’amour et la tendresse embrassent les désespoirs, et les transfigurent, pour qu’ils deviennent espérances. Des évidences oubliées se transforment en découvertes éblouies, et nous pouvons frissonner par instants – d’émotion ou de plaisir.
Au fil d’une quinzaine de chansons, interrompu à peine par un entracte d’un quart d’heure, nous visitons des désirs, des attentes, des images parfois si familières que presque invisibles (L’homme de l’avenue), et parfois éveillant une envie d’ailleurs (chansons en brésilien, échos vifs d’un long et beau séjour de l’artiste dans ce pays). La sensualité forte et déliée, pleinement assumée et célébrée avec une audace subtile, entraîne ceux qui écoutent vers des sentiers plus intimes (Deux hommes). Et des sourires aussi, car l’humour tendre ou malicieux surgit, souvent par surprise, au détour d’une idée ou d’un jeu de mots.
Les textes et mélodies (voix, guitare et piano) semblent ne faire qu’un à chaque fois, tant apparaît intense le lien entre la chanson et ses sources. Le quotidien, la souffrance, les merveilles de la vie et la soif de vivre trouvent avec bonheur leurs mots et leur musique. Une entrée de nuit qui se déploie volontiers bien au-delà, et qu’on a envie de retrouver.
Bojenna Orszulak
Publié le 26/02/24